Histoire de Polycarpe : mort en martyr pour sa foi en Jésus

« À l’ange de l’assemblée qui est à Smyrne, écris :… Ne crains en aucune manière les choses que tu vas souffrir… Sois fidèle jusqu’à la mort, et je te donnerai la couronne de vie ». C’est ainsi que le Seigneur Jésus, Lui, le fidèle témoin ou martyr, qui avait donné sa vie, encourageait d’avance ceux qui seraient appelés à donner leur vie pour Lui.

Ce fut en Asie mineure que la persécution, sous Marc-Aurèle, sévit avec le plus de violence. Une lettre adressée par « l’Église de Dieu à Smyrne à celle de Philomélie et à toutes les parties de la sainte Église universelle », donne un récit détaillé des souffrances qu’eurent à endurer les fidèles confesseurs de Jésus Christ. Parmi ceux que cette lettre mentionne comme ayant été mis à mort, se trouve le vieil évêque de Smyrne, Polycarpe.

Polycarpe, de même qu’Ignace, avait été disciple de l’apôtre Jean. On dit que ce fut Jean qui l’établit évêque de Smyrne. Il est possible, en effet, qu’il l’eût mis à part comme « ancien » dans cette assemblée, car nous savons que les apôtres avaient l’autorité d’établir des anciens dans les églises (Actes 14:23 ; Tite 1:5).

Irénée, un des disciples de ce saint évêque, et qui fut l’évêque de Lyon au commencement du troisième siècle, parle ainsi de Polycarpe : « Je pourrais encore montrer la place où le bienheureux Polycarpe avait coutume de s’asseoir et de discourir ; je pourrais dire sa démarche, son apparence, sa manière de vivre, ses conversations. J’ai encore présentes à l’esprit la gravité de sa conduite, la majesté de son visage, la pureté de sa vie, et les saintes exhortations qu’il adressait à son troupeau. Il me semble encore l’entendre raconter comment il avait conversé avec Jean et plusieurs autres qui avaient vu Jésus Christ, et répéter les paroles qu’il avait entendues de leur bouche, les récits qu’ils faisaient des miracles du Sauveur, de sa doctrine selon les Écritures, comme il les avait reçus de ceux qui avaient été des témoins oculaires. Son zèle pour la pureté de la foi était tel que, si quelque erreur était avancée et soutenue en sa présence, il avait coutume de se boucher les oreilles, et de se retirer en s’écriant : « Dieu miséricordieux, pour quels temps m’as-tu réservé ! »

Tel était Polycarpe. À l’époque de la persécution, c’est-à-dire vers l’an 167, il était âgé d’environ quatre-vingt-quinze ans. Le peuple, irrité de voir la constance et la fermeté des témoins du Seigneur exposés dans l’arène à la fureur des bêtes féroces, demandait à grands cris que l’on saisît et qu’on livrât aux lions le fidèle pasteur du petit troupeau des chrétiens. « Polycarpe ! Amenez Polycarpe ! » criait la multitude.

Polycarpe, ayant entendu les clameurs de la foule, voulait d’abord rester tranquillement dans la ville, et y attendre ce que Dieu ordonnerait de lui. Mais sur les instances des frères, il se retira dans un village voisin. Il y resta quelque temps avec un petit nombre d’amis, priant nuit et jour pour toutes les assemblées. Un de ses esclaves, mis à la torture, fit connaître le lieu de sa retraite, et on envoya des soldats pour se saisir de lui. L’ayant appris, le vieillard refusa de pourvoir autrement à sa sûreté ; il attendit avec calme leur venue, disant simplement : « Que la volonté du Seigneur soit faite ». Les soldats étant arrivés, il commanda qu’on leur donnât à boire et à manger, et demanda qu’on lui laissât une heure de recueillement pour prier. Sa requête lui ayant été accordée, il se retira dans une chambre haute où il pria, dit la lettre citée, « pour tous ceux qu’il avait connus, petits et grands, dignes et indignes, et pour toute l’Église dans le monde entier ». Son cœur était si rempli, que deux heures se passèrent avant qu’il eût achevé ses ferventes supplications. Ceux qui devaient le conduire à la ville, lui firent dire de venir. Son dévouement, sa douceur, son grand âge et son aspect vénérable firent une profonde impression sur ses gardes.

Ayant égard à sa vieillesse, ils le firent monter sur un âne et entrèrent dans la ville remplie d’une foule considérable. Comme ils traversaient les rues, ils rencontrèrent Hérode, le premier magistrat de la ville, qui était sur son char avec son père. Tous deux, avec un semblant de respect, invitèrent l’évêque prisonnier à monter à côté d’eux, et essayèrent par de belles paroles et des promesses à ébranler sa constance. « Quel mal y a-t-il », lui disaient-ils, « à dire : Seigneur César ! ou à sacrifier ? »

Mais voyant leurs efforts inutiles, ils changèrent leurs paroles douces en injures, et irrités, ils précipitèrent le vieillard hors du chariot. Polycarpe, bien que meurtri par sa chute, poursuivit son chemin, conduit par les gardes, et fut amené devant le proconsul.

Celui-ci, ayant compassion de son grand âge et de sa faiblesse, essaya de lui persuader de ne pas répondre à l’appel de son nom, mais Polycarpe refusa de se servir d’un subterfuge pour échapper au supplice.

— Eh bien, lui dit le proconsul, jure par le génie de César, et dis : Loin de nous les athées.

Le vieillard promena lentement ses regards sur la foule furieuse qui remplissait l’amphithéâtre, puis agitant sa main et regardant vers le ciel, il cria « Loin de nous les athées ! » (*)

(*) Les chrétiens étaient accusés d’athéisme, parce qu’ils n’adoraient pas les faux dieux.

Le récit de son sacrifice est une des plus belles pages de l’histoire aux premiers siècles. A l’entrée de ce saint vieillard dans l’amphithéâtre, tous les chrétiens présents entendirent une voix mystérieuse qui lui disait: « Courage, Polycarpe, combats en homme de coeur! » Le proconsul lui demanda: « Es-tu Polycarpe? — Oui, je le suis. — Aie pitié de tes cheveux blancs, maudis le Christ, et tu seras libre. — Il y quatre-vingt-six ans que je Le sers et Il ne m’a fait que du bien; comment pourrais-je Le maudire? Il est mon Créateur, mon Roi et mon Sauveur. — Sais-tu que j’ai des lions et des ours tout prêts à te dévorer? — Fais-les venir! — Puisque tu te moques des bêtes féroces, je te ferai brûler. — Je ne crains que le feu qui brûle les impies et ne s’éteint jamais. Fais venir tes bêtes, allume le feu, je suis prêt à tout. » De toutes parts, dans l’amphithéâtre, la foule sanguinaire s’écrie: « Il est digne de mort. Polycarpe aux lions! »

— Jure, dit le proconsul, pensant qu’il fléchissait ; maudis Christ, et je te relâcherai.

— Voici quatre-vingt-six ans que je le sers, répliqua le courageux évêque, tandis qu’un sourire illuminait ses traits, et il ne m’a jamais fait de mal ; comment le blasphémerais-je, Lui, mon Roi et mon Sauveur ?

La menace de le livrer aux bêtes féroces ou de le faire périr sur un bûcher, l’ayant trouvé inébranlable, le proconsul ordonna à un héraut de proclamer trois fois au milieu du cirque : « Polycarpe a confessé qu’il était chrétien ».

Aussitôt la multitude de s’écrier : « C’est le docteur de l’Asie, le père des chrétiens, l’ennemi de nos dieux ; c’est lui qui a persuadé à un si grand nombre de ne plus sacrifier. Qu’il soit livré aux lions ».

Mais le président des jeux refusa, en alléguant que les jeux étaient terminés. Alors la foule tumultueuse s’écria : « Qu’il soit brûlé ! » Le proconsul accéda à leur demande, et aussitôt tous à l’envi, Juifs et païens se mirent à apporter du bois pour le bûcher. Le vieillard considérait avec calme les préparatifs de son supplice, mais quand on l’eût entraîné sur le bûcher et qu’on voulut le fixer au poteau avec des cordes : « Laissez-moi ainsi », dit-il. « Celui qui me donne la force d’endurer les flammes, me rendra capable de ne faire aucun mouvement sur le bûcher ». Avant que le feu fût allumé, le martyr pria en disant : « Seigneur, Dieu Tout-puissant, Père de ton bien-aimé Fils Jésus Christ, par lequel nous avons reçu la connaissance de Toi-même, Dieu des anges et de la création entière, de la race humaine et des justes qui vivent en ta présence, je te loue de ce que tu m’as jugé digne de ce jour et de cette heure pour avoir part avec tous tes témoins à la coupe des souffrances de Christ ».

En ce 25 avril de l’an 167 dès qu’il eut achevé de prier, on mit le feu au bûcher. Mais, chose étrange à dire, attestée cependant par la lettre de ceux qui en furent les témoins oculaires, les flammes, au lieu de l’atteindre, semblèrent vouloir l’épargner, formant autour de lui comme une grande voile enflée par le vent. Son corps brillait comme de l’or et de l’argent, et un parfum exquis se répandit dans l’air. À cette vue, les païens superstitieux, craignant que le feu n’eût aucun pouvoir sur lui, ordonnèrent qu’il fût percé d’un glaive. Le sang éteignit d’abord le bûcher, mais les païens demandèrent que le corps fût consumé, et il n’en resta que quelques ossements. Comme les disciples de Polycarpe désiraient recueillir ces faibles restes de celui qu’ils avaient tant aimé, les Juifs persuadèrent au proconsul de ne pas leur accorder leur requête, « de peur », disaient-ils, « qu’ils n’abandonnent le crucifié pour adorer cet homme ». « Ils ne comprenaient guère », dit la lettre, « qu’il n’est pas possible d’abandonner Christ qui a souffert pour le salut du monde, et que l’on puisse adorer quelqu’un d’autre. Car c’est Lui qu’en vérité nous adorons ; mais nous aimons les martyrs, comme étant ses disciples ».

La mort édifiante de Polycarpe fut une bénédiction pour l’Église. La fureur de la populace s’apaisa, et le proconsul lui-même, fatigué de ces scènes sanglantes, défendit que l’on amenât encore des chrétiens devant son tribunal. Ainsi, le Seigneur mit fin à la tribulation à Smyrne.

Polycarpe écrivit à l’assemblée de Philippes une lettre qui nous a été conservée. Elle est surtout intéressante, parce qu’il leur rappelle l’apôtre Paul, « qui », dit-il, « quand il était au milieu de vous, vous a fidèlement et constamment enseigné la vérité, et qui, absent, vous a écrit une lettre, laquelle, si vous l’étudiez diligemment, sera le moyen de vous établir dans la foi, l’espérance et l’amour ».

Ainsi les mêmes Saintes Écritures que Dieu nous a données pour nous instruire à salut et nous guider, étaient aussi la consolation de ces saints d’autrefois qui souffraient et mouraient pour le Seigneur.


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